Témoignage de Séverine, 40 ans.

Qui est mon cancer du sein ?

Sorti d’on ne sait où, ce parasite a d’abord été un minuscule bout de rien du tout, une modeste bosse, une seule boule que
j’ai sentie sur le côté de mon sein droit, tout à fait par hasard.
C’était le 19 novembre 2020.


Dès le lendemain, j’ai vu mon médecin. Son avis : il faut investiguer → je ne stresse pas trop mais je prends rdv au plus vite.
Le 30/11 = écho : il faut faire une biopsie → je stresse un peu mais on me rassure, c’est minime, il faut simplement vérifier.
Le 03/12 = ponction : un unique prélèvement qui part en analyse → je stresse, forcément, mais je patiente.
Le 07/12 = je passe le cap de la quarantaine: je suis encore jeune, c’est un point positif mais je stresse quand même.
Le 14/12 = résultats : l’attente a été infiniment longue et évidemment angoissante.
Et enfin… bonne nouvelle : Tout est ok !!!! Et c’est confirmé par la mammo du 21/12.


Juste à contrôler dans un an ! Ouf !! Quel soulagement ! La vie reprend son cours…
Consciente que le verdict aurait pu être différent, je me remets à profiter un max ; sans doute un peu plus que d’ordinaire
même… Je prends du bon temps avec ma fille, on part en week-end, en loooongues vacances, j’ai des projets, je réalise des
défis personnels, je m’investis professionnellement dans mon nouveau poste, bref je croque la vie à pleines dents.
L’insignifiante noisette est toujours dans mon sein, je la sens chaque jour quand je me douche. Bien que j’y reste attentive,
je ne suis pas capable de dire si elle grossit ou non ; elle est si discrète… Et puis je m’oblige à zapper les pensées négatives
quand elles traversent furtivement mon esprit puisque tout va bien : j’ai fait mon job en consultant et les spécialistes ont
fait le leur.


Et puis…


Un jour, au boulot, dans mon bureau, une légère gêne sous mon bras… pas une douleur, je me souviens avoir eu
l’impression d’une chatouille, quelque chose qui frottait… Voulant chasser ce rien qui venait gentiment m’importuner, j’ai
senti dans le creux de mon aisselle une nouvelle petite boule…


Environ 10 mois plus tard, c’était donc reparti pour un tour…


Le 06/10/2021 = rdv chez mon médecin. Son avis : il faut réexaminer → je stresse +
Le 18/10 = écho : il faut refaire une biopsie → je stresse ++
Ponction réalisée sur le champ : 3 prélèvements, uniquement dans le sein, qui partent en analyse → je stresse +++
J’ai la sensation que ça cloche… beaucoup plus que l’an dernier → je stresse ++++
On me répète qu’il faut 8 jours pour les résultats. Les heures passent insupportablement lentement → je stresse +++++
Finalement « seulement » 3 jours après, le jeudi 21/10/21 à 21h et quelques minutes : mon téléphone sonne, le numéro
de mon médecin traitant s’affiche, ma fille est juste à côté de moi…
Je sais à ce moment-là, ce que je vais devoir entendre et il va falloir… gérer…
Je m’isole, je décroche, j’écoute, j’encaisse, mon monde s’écroule mais je dois… gérer…
Rejoindre ma fille, la coucher comme d’habitude, pas le choix, j’essaye de… gérer…
Ensuite tout s’enchaîne. C’est rapide et interminable à la fois. J’ai l’impression d’être dans une autre dimension.
Le soir même, à plus de 22h, je suis reçue par ma doctoresse que je remercie pour sa réactivité, ses explications, les prises
de rdv pour que tout se mette en place au plus vite… Elle ne veut plus perdre de temps, il faut agir, tout de suite…
Après une première prise de sang et la liste des recommandations, me voilà de retour à la maison… et alors que la nuit a
déjà commencé, je me couche en sachant que le sommeil ne viendra pas… et effectivement le sommeil n’est pas venu
parce qu’il y avait un millier de questions sans réponse, il y avait la peur, la colère, la tristesse et le sentiment d’injustice.
Je ne comprenais pas, j’étais en pleine forme. Onze jours auparavant je bouclais mon 1er marathon, c’est quelque chose
quand même un marathon surtout avec peu d’entraînement… Je n’avais rien remarqué de particulier. De la fatigue, mais
comme tout le monde ; quelques insomnies, mais comme tout le monde ; une seule chose inhabituelle cependant dans les
semaines ou mois précédents : de très grosses et nombreuses sueurs nocturnes… moi qui transpire à peine quand je cours,
ça ne m’avait pas alertée plus que ça… je pensais que c’était sans grande importance, j’ignorais que cela était un symptôme.
Cette fois donc, l’épreuve allait être toute autre, je n’étais pas prête mais je n’avais pas le choix, il allait falloir aller au bout.
Pendant quelques semaines, les consultations, scanners, scintigraphie, IRM, échographie, examens en tout genre se sont
enchaînés pour affiner le diagnostic. Au début, en alertant le moins de monde possible, j’ai tenté de paraître normale, pour
ne pas inquiéter outre mesure tant que le protocole n’était pas posé. Une fois connu, et comme il était conséquent, il a
bien fallu avertir l’entourage. Progressivement sont venus les moments d’annonce, à ma fille, mes parents, tous mes
proches… C’était une période extrêmement éprouvante, que j’avais méticuleusement organisée autant que je l’avais
appréhendée. Malgré la douleur diffusée, ça s’est avéré libérateur : dès lors, je savais que j’allais pouvoir compter sur eux.

Le 19 novembre 2021, les interventions préparatoires au traitement à peine terminées, je prenais les armes…
Soit 4 semaines seulement après le retour redouté des analyses.
Soit 4 semaines déjà après la disparition de l’insouciance médicale.
Exactement un an jour pour jour après avoir décelé la tumeur dans mon sein, je déclarais enfin la guerre à mon cancer.
Attaque de base : la chimio. Cette substance chimique qui effraye rien que par son nom, qui agresse tout votre corps,
transforme votre physique, atteint votre mental, bouleverse votre quotidien mais qui est malgré tout une alliée pour tenter
d’exterminer cet intrus.


Il n’y a rien d’agréable dans cette solution. Ni pour le malade, ni pour son entourage. C’est indescriptible… mais une fois
que l’on reprend du poil de la bête et encore plus quand les cheveux repoussent, on se dit que c’est derrière nous… le
combat continue mais devient pratiquement invisible… nous-mêmes on oublie… du moins on n’oublie jamais tout à fait
mais on oublie presque… ô combien c’était pénible… et on n’a qu’un souhait : ne plus jamais devoir passer par là… mais on
lui dira toutefois MERCI.


Heureusement, j’ai reçu énormément d’aide, d’amitié, d’écoute, de compassion, bref d’AMOUR… Tour à tour, ma fille
chérie, ma grande famille, mes nombreux amis, mes chouettes collègues, mes sympathiques voisins, de simples
connaissances anciennes ou nouvelles, le personnel médical, les bénévoles du centre ressources de Charleville mais
également d’autres malades se sont dévoués pour m’accompagner à chaque étape. Cela n’a pas empêché qu’à certains
moments je me sois sentie très seule, épuisée et lasse mais ils m’ont portée et me donne toujours la force d’avancer. Alors
que je peux encore être parfois secrètement au trente-sixième dessous, dès que je croise quelqu’un qui fait don de soi par
un simple regard bienveillant, une parole affectueuse ou une douce attention, leur intention de faire du bien me redonne
le sourire et me remplit d’énergie.


Grâce à ces généreux boosters, pendant ce qu’on pourrait appeler la périlleuse traversée, j’ai continué à bouger dès que
cela m’était possible physiquement, j’ai continué à vivre de belles expériences, j’ai continué à faire de magnifiques
rencontres, j’ai continué à m’accepter… Ce n’était pas toujours facile ; il a fallu apprendre à changer de rythme en même
temps que changer d’apparence mais en composant avec les hauts et les bas, j’ai pu garder le cap un maximum.
11 mois après le maudit verdict, après 4 cures de forte chimio, 12 cures de chimio « plus douce », 11 traitements spécifiques
pour mon type de cancer (reste 7 à faire), une opération, une deuxième anesthésie générale dans la foulée, la découverte
d’une autre maladie, des tas de rdv, une dizaine de milliers de km entre 3 hôpitaux, 28 séances de radiothérapie, un suivi
kiné en cours et l’hormonothérapie que je viens tout juste de commencer (et qui durera 10 ans !), j’ai envie d’être EN VIE !
Aujourd’hui, même si j’ose espérer que le plus dur est passé, ça reste compliqué et c’est loin d’être fini… mais je vis.
Sous médicaments avec plusieurs traitements à suivre encore, fatiguée, préoccupée, subissant des effets indésirables aussi
variés que détestables, mais soutenue, motivée et surtout chanceuse de pouvoir me battre à fond quand il est déjà
malheureusement trop tard pour certains d’essayer.


Il n’y a pas de petits cancers, il n’y a pas de gentils cancers… même si quelques-uns sont de mieux en mieux soignés, même
si on est positif, si on garde le moral, le cancer est, pour rester polie, une belle cochonnerie… il peut s’attaquer à n’importe
qui et une fois qu’il vous choisit comme hôte, votre existence n’est plus tout à fait la même… il est si sournois et malin que
c’est quasiment impossible de retrouver sa sérénité…


Pourtant il y a de l’ESPOIR et c’est le plus important !


Alors le mieux à faire est de se surveiller, examiner, scruter, écouter son corps…
Consulter au moindre doute, persévérer, insister, écouter son instinct…
Parce que non, il n’existe pas de gentils petits cancers mais il existe des cancers pris en charge à temps et après eux des
soldats survivants…


Je m’appelle Séverine. Je suis la maman d’une incroyable Inès, qui du haut de ses 9 ans, réussi par sa seule présence à
illuminer mes jours ; je suis enseignante et directrice d’une petite école maternelle que je serai ravie de retrouver ; j’ai
toujours 40 ans 😉 et je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour que ce crabe ne gâche pas ma vie ni celle des gens que
j’aime et qui m’aiment.

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Commentaires (1)

  • Mélanie
    11 octobre 2022 à 9h11

    Ton récit est tellement poignant! bavo a toi Sév de t’être mise à nu face à ce combat! <3

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